Every BD

Le peuple des endormis 2

Cet album raconte la fin des aventures africaines de Jean, l’apprenti empailleur, et du Marquis de Dunan. Des péripéties pleine de fantaisie, comme lorsque que le Marquis décide de fortifier à la manière de Vauban tout un village africain, afin de se défendre contre un gouverneur, très agacé que son épouse ai couché (dans le tome 1) avec Dunan.

Le dessin singulier de Tronchet donne une âme à cette histoire. On retrouve cet univers tragi-comique et ces personnages étranges avec plaisir (surtout le Marquis, d’une mauvaise fois et d’un optimisme sans borne).

On a là un bon album, suffisamment original et captivant pour lui réserver une pace dans votre bédéthèque.

M. F.

Le peuple des endormis 2 ; Tronchet et Richaud ; éditions Dupuis.

Le rêve de Jerusalem

C’est l’histoire de… Heu, attendez une vérification s’impose… Alors oui, ça se passe au XIe siècle, c’est l’histoire d’un guerrier mystique fanatique du Christ et d’un jeune païen censé être un Saint ou un nouveau messie. Tous les deux prennent la tête d’une armée de chevaliers pour aller libérer Jérusalem.

L’histoire en elle-même, bien que pas tellement originale, ne pose pas vraiment de problème. Là où ça coince, c’est au niveau des personnages : on a rarement fait plus fade. On glisse sur eux sans s’y attacher une seconde, probablement parce que le récit ne prend pas le temps de se poser pour nous les présenter. Montrer l’enfance d’un personnage avec une voix off qui nous explique deux ou trois bricoles, ça n’est pas suffisant pour créer une vraie rencontre. En plus, pour augmenter la confusion, l’histoire saute brusquement d’un personnage à un autre.

Le scénario ne semble pas maîtrisé. On fonce à toute allure à travers les planches sans bien savoir où l’on va. Un scénario peut être rapide, rythmé et bien réglé, comme une voiture de course. Ici on a bien la vitesse, mais le reste… Plutôt qu’une formule 1, c’est une diligence sans pilote : le rythme est saccadé et il n’y a personne aux commandes.

Le dessin regorge d’effets gores un peu faciles et sans classe : les têtes volent et le sang gicle n’importe quand et n’importe comment.

L’album est fermé par un petit sceau (un autocollant) qui précise que cette histoire a été mise à l’index. On comprend pourquoi…

M. F.

Le rêve de Jérusalem ; Marty et Thirault ; Dupuis.

Application de l'article 3

Il y a des bédés, c’est dommage mais c’est comme ça, qu’on n’arrive pas à terminer…

Certains s’écrieront « Bouh ! La honte ! » ou « C’est un scandale ! Quel manque de sérieux ! », voir même « Comment ? Mais c’est interdit ! »

Pour la honte ou le scandale, je ne sais pas. En revanche, c’est parfaitement autorisé. Suivant l’article 3 des Droits imprescriptibles du lecteur (1), tout lecteur à le droit de ne pas finir un livre. Et c’est exactement ce que nous avons fait pour deux ou trois BD. Pas moyen de les terminer. Elles ne sont pas forcément mauvaises (d’ailleurs sans les lires jusqu’au bout, il ne serait pas honnête de les critiquer), elles ont juste rencontré le mauvais lecteur.

Impossible de finir Ernie Pike. Ces histoires de guerre, vieillottes et désuètes, ne réussissent pas à capter suffisamment d’intérêt pour qu’on garde le livre ouvert. Le célébrissime Hugo Pratt est pourtant au dessin, mais rien à faire. Mais si vous raffolez du maître ou des récits de soldat, pourquoi pas…

Matière Fantôme est une histoire de science-fiction de haute volée avec : un vaisseau qui abrite les survivants de l’humanité, des clonages, des rebelles… et beaucoup de considérations mystico-philosophiques. Les dessins sont un peu fades et l’action pas franchement trépidante, du coup, pas moyen de dépasser la moitié. Mais si vous le désirez, il y a de quoi se creuser les méninges sur quelques grands thème de science-fiction.

Elias le Maudit a pour lui une superbe couverture, d’excellents dessins et de belles trouvailles graphiques qui dépoussièrent les classiques du médiéval fantastique. Les couleurs ne sont malheureusement pas à la hauteur et affadissent le dessin, surtout quand on le compare à la couverture ou à la page précédant le début de la BD. L’intrigue lâche aussi au bout de quelques pages : une histoire de magie, d’eau empoisonnée, et un vague complot contre le roi. Mais si vous accrochez au récit, vous aurez entre les mains une très bonne BD.

M. F.

Ernie Pike ; Pratt et Oesterheld ; Casterman.

Matière Fantôme 2 ; Douay et Fléchard ; Dupuis.

Elias le Maudit 2 ; Mastantuono et Corgiat ; Les Humanos.

(1) Cf. Comme un roman ; Daniel Pennac ; Folio

Muchacho 2

Après une bataille entre l’armée et les guérilleros, Gabriel se retrouve dans la jungle, seul et blessé. De quel camp est-il ? Il a caché des armes pour la révolution, mais sa famille est au pouvoir. Il a trahi les rebelles, mais il est amoureux d’un mercenaire à la solde de la révolution…

Ce récit est le long voyage de Gabriel et d’un groupe de guérilleros vers leur base arrière. Un périple épuisant durant lequel chacun des personnages va se découvrir.

Le dessin de Lepage est une vraie merveille. Cette jungle est fascinante, parfois sombre, parfois lumineuse, aux couleurs changeantes, soit gigantesque et soit trapue et étouffante. Dans ce décor incroyable, les personnages et leurs sentiments sont rendus avec génie.

Muchacho est une superbe BD qui entre en profondeur dans les tourments de personnages. Ici, vous ne trouverez pas d’intrigue compliquée et rythmée, mais de vraies rencontres et une grande aventure humaine.

M. F.

Muchacho 2 ; de Lepage aux éditions Dupuis.

Leçon de choses

C’est l’histoire de Jean-Pierre Martin, un petit garçon d’une dizaine d’année qui habite un petit village. C’est un petit morceau de sa vie, une année passée à faire des choses de petit garçon : faire du vélo, fumer en cachette, dessiner un cœur sur le mur du préau, s’inventer des aventures avec un rien, ne pas comprendre les problèmes des grands…

Leçon de choses, c’est presque rien. Il n’y a pas d’intrigue diabolique, pas de menace sur le monde, pas de péril sur la planète. C’est toute une série de petites choses qu’on découvre au fil des pages, des pages qu’on tourne jusqu’au bout du livre sans s’en apercevoir.

Une BD toute simple, très juste et très jolie.

M. F.

Leçon de choses ; de Grégory Mardon ; aux éditions Dupuis.

Une fuite, deux horizons

C’est l’histoire d’un auteur séparé en deux, qui erre dans sa propre imagination. Il essaye de sauver le monde d’une terrible menace : quelqu’un veut jouer sur sa guimbarde le « La fossile », la note de musique originelle, et ainsi créer une grande vibration qui bouleverserait l’univers !

Le récit est un joyeux fouillis, un tourbillon de fantaisie dans lequel on se perd avec joie. Sur une planche, on est dans « la vraie vie », dans l’appartement d’un auteur complètement taré qui boit des litres de café (pour arrêter l’alcool), qui fume des gros pétards, qui se dispute avec sa femme, qui fait la vaisselle… On tourne la page, et tous ces éléments se retrouve dans son imaginaire, dans le monde des villages. Avec en plus des petits monstres enfantins, des fines créatures zébrées, des sortes d’ogres idiots, des savants fous, des poètes encore plus fous…

C’est un vrai bouillon loufoque qui chatouille délicieusement l’imaginaire. Les allers-retours entre le réel et le fantastique, entre l’auteur et sa création, donne une originalité et une profondeur à ce qui n’aurait pu être qu’un gros délire de plus. En plus, à la surprise générale, l’histoire se tient. Elle avance, lentement et après bien des détours, mais sans perdre le lecteur.

M. F.

Dans les villages, une fuite deux horizons ; de Cabanes ; eux éditions Dupuis.

Spirou et Fantasio à Tokyo

Pour leur troisième récit des aventures du groom le plus célèbre de la BD, Morvan et Munuera nous emmènent au Japon. Comme le Japon est à la mode et le manga aussi, on se demande très vite si les auteurs ne cherchent pas à surfer sur cette vague au risque de nous pondre une japoniaiserie ? Eh bien non, bien au contraire. Ce n'est pas tant que ce Spirou à Tokyo évite les clichés habituels sur le pays du soleil levant (bien au contraire, il les accumule), c'est surtout qu'il les assume complètement avec pas mal de second degré. Par ailleurs, Morvan connaît bien Tokyo et le Japon et ça se voit à travers ces 64 pages de "Petit futé" condensé. Pas grand chose à dire sur le scénario, qui s'inspire de l'Akira d'Otomo mais dont l'intrigue reste très superficielle (qu'il semble loin Z comme Zorglub).

Si ce 49e opus des aventures de Spirou ne marquera pas l'histoire de la BD, Spirou et Fantasio à Tokyo reste une jolie carte postale et une lecture très agréable.

O.R.

Spirou et Fantasio à Tokyo ; de Morvan et Munuera; aux éditions Dupuis

Comme tout le monde

Claire n’en peut plus de sa vie. Sa carrière d’actrice refuse de commencer, elle déteste son job dans le marketing, elle vit seule, elle est brune alors qu’elle est persuadée que tout le monde préfère les blondes. Alors Claire va accepter la proposition de son patron. Elle va rencontrer Jalil, un gentil instituteur qui possède un don à la fois banal et unique.

La BD n’est pas forcément, à première vue, très accrocheuse. Sur la couverture un couple enlacé et sur les premières pages, la vie banale d’une Parisienne. Mon dieu, est-ce que c’est encore une histoire de fille sans intérêt ?

Le dessin, très particulier, ajoute à cette impression. L’un des personnages ressemble à un homme, à un gaillard baraqué, blond avec une queue de cheval… et c’est en fait la femme du patron habillée en costume strict !

Pourtant, des choses se passent. On sent Claire de plus en plus mal à l’aise, de plus en plus embarrassée par ce qu’elle fait à Jalil. Jalil, lui, est trop gentil, tellement attachant et si naïf qu’il ne voit pas qu’on se sert de lui. Finalement l’histoire offre de vrais beaux moments auxquels le dessin correspond très bien. L’intrigue, longtemps paresseuse, à deux doigts même d’être agaçante, se lance finalement vers la fin. On attend la suite.

M. F.

Comme tout le monde ; Scénario de Lapière et Renders, dessin de Spiessert ; éditions Dupuis.

Pourquoi les baleines bleues viennent-elle s'échouer sur nos rivages?

C’est l’histoire d’un auteur, d’un romancier. Ou plutôt c’est l’histoire de plusieurs auteurs, de leurs femmes, de leurs amantes, de leurs éditeurs, de leurs amis aussi. Ca parle de leur travail, de leur difficulté à écrire, de leurs amours, de leur folie, de leur jeunesse, de leurs angoisses…

C’est un peu compliqué mais pas désagréable. C’est parfois un peu ennuyeux quand les personnages patines dans leurs petites vies d’égoïstes, et d’autres fois, quand le récit plonge dans les bouillons de la création littéraire (si toutefois vous aimez ces bouillons là) c’est passionnant.

Le dessin, noir et blanc avec une touche couleur, est très juste. Il colle parfaitement à cette tranche de vie fantaisiste et torturée. La BD ne laisse pas indifférente. Parfois, elle se fout un peu du lecteur, elle l’abandonne pour suivre son idée. C’est dangereux. La vilaine prend le risque d’être refermée et oubliée. Mais l’œuvre y gagne en profondeur, en caractère. Alors le lecteur, il patiente pour les meilleurs morceaux. Et à la fin, il choisit d’aimer ou pas.

En tout cas, ce titre, quel bonheur !

M. F.

Pourquoi les baleines bleues viennent-elles s’échouer sur nos rivages ? ; de Moynot ; éditions Dupuis.

Bunker

Un régime militariste domine l’époque obscure où nous projette Bunker. Dans un monde où son seul choix était de devenir fermier ou soldat, Aleksi Stassik débarque dans le bunker 37 pour sa première affectation.

En très haute altitude, totalement isolé du reste du monde, le bunker 37 est censé être l’avant-garde de l’armée contre l’ennemi. La question qui reste en suspens est : quel ennemi ? Aucun soldat ne l’a vu, et les rumeurs vont bon train, entre les patrouilles d’éclaireurs qui ne reviennent jamais et des gradés qui en savent beaucoup mais qui punissent sévèrement les soldats qui essaient de s’informer.

Les premières pages de Bunker laissent perplexe. Le dessin est très réaliste ne laisse pas indifférent. Mais pour ceux qui n’aiment pas ce style particulier, il est aisé de s’y habituer pour peu que l’on soit pris par le scénario. Ce dernier s’annonce d’ailleurs excellent, tous les éléments sont réunis pour que la paranoïa s’installe parmi les soldats au fur et à mesure du développement de l’histoire et nous, spectateurs,  pourrons nous délecter de l’horreur qui les attend sûrement au détour des cinq tomes de cette BD.

A. P.

Bunker 1 ; scénario et dessin Christophe Bec ; éditions Dupuis.