Après la découverte d’un cercueil de plomb lors de fouilles en Syrie, une série de meurtres étranges frappent Paris. L’oncle de Nicole est retrouvé décapité. Le tueur n’a pris qu’un vieil objet mystérieux, secret de la famille. Elle demande de l’aide à un expert en sciences occultes.
Un petit mot sur l’histoire : tout cela est très classique mais fonctionne. Même si on connaît la chanson, même si ce n’est pas la première chose innommable réveillée lors de fouilles archéologiques, on se laisse prendre par l’intrigue.
Un autre petit mot sur le dessin qui est superbe. Très réaliste et maîtrisé, c’est du bon boulot ! La couverture et la scène la plus intense profitent d’une technique différente du reste de l’album. N’y connaissant rien en dessin, impossible de vous expliquer, mais le rendu est époustouflant. C’est sublime.
Passons maintenant au défaut de cette bédé, une tare qui vient la plier en deux comme un bon coup de genou dans le bas-ventre. Heureusement, grâce aux qualités citées plus haut, l’album parvient à redresser la tête et à terminer la course, difficilement et un peu crispé, mais la tête haute.
Passons donc à la voix off.
Quelle horreur !
On croirait au début que c’est fait exprès, pour donner un genre, mais non. La bédé souffre d’une pathologie grave, une maladie qui tire son nom de la page 6 de l’album : le syndrome de la narine palpitante. Planche 6, on rencontre une jeune fille au look gothique. Comme elle va retrouver son père adoptif, elle a retiré ses piercings pour ne pas le choquer. Voici ce que raconte la voix off : «…en temps normal, un ou deux piercings scintillent à son sourcil arqué, à sa narine palpitante… »
Ce texte est déjà ridicule en soi, mais quand il est censé accompagner la narration d’une planche de BD, on atteint des sommets. Sur le dessin, la narine ne palpite pas. Dans la vraie vie, il peut arriver à une narine de palpiter, ponctuellement, sous le coup d’une émotion intense, mais on ne peut pas dire qu’une narine est palpitante… à moins que le personnage ne soit atteint d’une maladie neurologique qui lui cause des palpitations nasales permanentes. Cet adjectif n'a rien à faire là.
Ce « palpitante » n’est donc pas une information sur le personnage, mais plutôt sur l’auteur. Ce « palpitante » nous apprend que l’auteur veut bien écrire et surtout, qu’il veut que ça se voit. Donc, pour montrer qu’il a du style, il accroche ce « palpitante » à la narine de son personnage, parce que les adjectifs, ça fait bien. Pas de chance, cette « narine palpitante » fait plutôt penser à un chien qui a flairé un os qu’à une jeune fille gothique et mystérieuse. Pour le style, il faudra repasser.
Mais laissons cette planche 6. Le syndrome se retrouve dans tout l’album. Chacun des textes est écrit dans un style lourd et précieux, prodigieusement agaçant… Nicole se rend chez son oncle malade. La voix off décrit l’appartement : « …mobilier bourgeois, massif, ciré, patiné, discrètement luxueux et exempt du moindre termite… » Rappelons tout de même que c’est d’une bande dessinée dont nous parlons. Plutôt que de décrire le mobilier, on aurait donc pu le dessiner. Mais non, une demi-douzaine de qualificatifs c’est le tarif minimum. Et encore, les adjectifs ne suffisent plus, il faut les doper aux adverbes. « Discrètement luxueux. » Peut-on faire plus indigeste ? C’est difficile. En revanche, plus ridicule, c’est possible. Il suffit de préciser qu’il n’y a pas de termite dans les meubles du vieux. Ca c’est une vraie info de qualité, importante pour la suite.
Le pire c’est que ça n’arrête jamais… On retrouve le vieux mort chez lui. On le voit puisqu’il est dessiné, mais le texte précise tout de même que « le vieux colonel et son sonotone probablement en parfait état gisent sur le tapis du salon ». Donc, le vieil homme allongé dans une mare de sang dans l’appartement du vieil oncle, c’est le vieil oncle mort. Il valait mieux l’expliquer on aurait pu se tromper. Au passage, on est rassuré sur l’état du sonotone du vieux. Ouf, il est probablement intact… La pression retombe. On peut continuer et un peu plus loin on apprend que « les chiens c’est cool » (sic).
Heureusement, les dialogues échappent à cette lourdeur. Par miracle, la voix off se fait de plus en plus rare au fil des pages, et les qualités de la BD parviennent de justesse à rééquilibrer la balance. On referme le livre pas trop mécontent.
M. F.
Dark ; Max, Mercier et Seitler ; Casterman.
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